Guinée Bissau - São Domingos



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Marta Henriqueta Vaz Martins de Carvalho est née à Bissau, en Guinée Portugaise, le 19 Janvier 1928, au sein d'une famille profondément chrétienne. C'est d'abord chez ses parents, pour qui les valeurs morales et évangéliques sont l'unique chemin à suivre, qu'elle puise la foi qui sera au cœur de toute sa vie de chrétienne et de religieuse. Très jeune, elle vient dans notre pensionnat de Rufisque où se trouve une de ses tantes : Sœur Marie Thérèse Dempuré. Puis c'est l'Immaculée de Dakar où elle poursuit ses classes, consacrant bien des heures à l'étude du piano. Artiste dans l'âme, sous la direction de Mère Marie Jeanne, les progrès sont rapides. La musique, le chant, lui permettent d'exprimer excellemment sa louange.


Un désir grandit dans son cœur : se consacrer totalement à Dieu. Elle part donc en 1951 à notre Noviciat de Castres ou formation religieuse et perfectionnement de la musique vont de pair, affinant son esprit, l'aidant à grandir dans l'amour de Dieu, la vénération de la Vierge. Elle reçoit avec l'habit religieux, le nom de Sœur Marie Thérèse, en témoignage d'affection envers sa tante.

De retour au Sénégal, elle est, pendant quatorze ans, une maîtresse de classe exigeante pour ses jeunes élèves de l'Immaculée de Dakar, de Mbour, de Kaolack, ou de Rufisque. Le souci de leur formation chrétienne reste sa grande préoccupation.

C'est enfin à Notre Dame que Sœur Marie Thérèse passe la plus grande période de sa vie, comme professeur de musique et de catéchèse dans les classes secondaires. Avec beaucoup de cœur, elle donne ses cours qu'elle sait rendre vivants, s'appuyant sur des faits de vie pour inculquer à ses élèves une foi solide et active.

La chorale paroissiale de la Cathédrale est également l'une de ses activités apostoliques de choix : répétitions et préparations occupent la majeure partie de son temps, en vue de belles cérémonies priantes. Mais surtout, Sœur Marie Thérèse, s'applique à la formation chrétienne de ses choristes, se dépensant sans compter pour les aider, spirituellement et matériellement.

En vraie fille de Marie Immaculée, elle aime ardemment la Vierge Marie, et s'efforce d'inculquer cette dévotion à la jeunesse, notamment à ses choristes.

Les vertus théologales de foi, d'espérance et de charité, vécues au plus haut point chez notre sœur  sont source constante de l'élan apostolique qui la dynamise. Hélas, cet enthousiasme est limité par une santé très déficiente, qui est pour elle un vrai handicap.

Et un jour vient où le mal l'oblige à quitter le Sénégal, les traitements s'avérant insuffisants. La Maison Mère l'accueille pour des soins appropriés prodigués soit "chez nous", soit dans les hôpitaux de Castres ou de Toulouse. Très gaie de nature, Sœur Marie Thérèse porte vaillamment sa lourde croix de malade, dont elle se sert comme support de son action évangélisatrice, jusqu'en ces derniers jours de décembre, où l'enfant Dieu vient l'appeler pour partager pleinement sa vie.

Unanimes sont les témoignages exaltant cette vie totalement donnée à Dieu et aux autres. Don aux autres, vécu jusqu’à l'héroïsme, parce que puisé à la source du don infini qu'est Jésus-Christ. Pour elle, il est l'Unique, qui donne sens et valeur à toute relation.

Nous relevons quelques témoignages d'horizons divers. Tout d'abord celui de Sœur Colette Marie, provinciale de France : "De ses séjours en France, nous gardons le souvenir d'une sœur fraternelle, cherchant à faire plaisir, pleine de vie, entreprenante, dépassant parfois le raisonnable. Personne de contact, elle avait établi autour d'elle tout un réseau de sympathie. Une dame protestante de Castres m'a dit que Sœur Marie Thérèse était l'une des rares personnes qui l'avait marquée dans sa vie. Elle avait le sens du mot a dire pour réconforter".

Celui de Monsieur NDIAYE, président de la chorale de la Cathédrale. D'un très beau travail "In Memoriam", consacré à Sœur Marie Thérèse, je ne peux que citer un passage qui me semble résumer le texte : "Oui, la Sœur Marie Thérèse, servante du Seigneur et apôtre des démunis, s'en est allée vers la Terre Promise. C'est pourquoi, à la messe d'action de grâces du 27 Décembre 1990, nous avons remercié le Seigneur pour tous les bienfaits dont elle a été l'artisane en faveur des choristes, des moins nantis, des laissés-pour-compte, des sans familles".

Ces deux échos nous redisent l'impact que cette vie, tout à la fois de joie et de douleur, a eu sur son entourage. Aussi, nul ne pouvait l'approcher sans l'aimer. Mère Marie Gabriel nous communique : Ce matin 27, à 8 h. 30, les obsèques ont été célébrées dans la chapelle, vraiment pleine comme pour les jours de fête. Parents, amis qui l'ont connue de loin ou de près, la chorale de Saint Jacques, des infirmières de l'hôpital... toutes les communautés voisines, Lautrec, Labessonie; et même sa jumelle, Sœur Marie de Bétharram est venue de Toulouse. C'est Monsieur l'Abbé Pagès du petit village de Valdurenque, et Monsieur l'Abbé Maraval de Saint Jacques qui ont concélébré. Messe très solennelle avec accompagnement de l'orgue et du violon car Mme Pesce, notre professeur de musique qui la connaissait particulièrement a tenu à jouer pour elle. Le Kyrie chanté en langue a été accompagné au tamtam. Après la première lecture, le chant de "Levez-vous, portes éternelles" nous a rappelé sa chorale ainsi que le cantique final : "Que Tu es belle ô Marie". A la communion, les novices ont aussi chanté en langue. Puis le long cortège des voitures l'a accompagnée à sa dernière demeure terrestre car famille, sœurs, amis, beaucoup ont tenu à venir se joindre à nous".

Le même jour, à Dakar, à la Cathédrale, était célébrée la messe d'action de grâces. La aussi, décor et affluence des grands jours de fête. Le Cardinal, Monseigneur Thiandoum, présidait. Une quinzaine de prêtres concélébraient. Les chants exécutés à la perfection par "ses choristes", surent traduire les sentiments qui habitaient les cœurs, sentiments contradictoires de joie et de tristesse, de reconnaissance et de regret. Monsieur l'Abbe Adolphe Faye, dans son homélie, sut retracer la vie de foi de celle que nous pouvons bien appeler "La Servante de Dieu" ."Sœur Marie Thérèse vivait pleinement d'une foi joyeuse, active et dynamique. Sa vie, à la fois riante, gaie, et douloureuse, à cause de la maladie qu'elle a traîné une grande partie de son existence, a été -nous sommes nombreux à pouvoir en témoigner - une révélation du mystérieux passage de la mort à la vie, la transformation constante du vieil homme qui sommeille en nous en un homme nouveau, et l'attestation de la puissance du Christ ressuscité dans la faiblesse humaine".

Mais, "ne pleurons pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance". Sœur Marie Thérèse vit en Dieu, près de la Vierge Marie qu'elle a tant aimée. Elle continue de nous aimer et de nous aider plus efficacement peut-être qu'aux heures de son existence terrestre.


Vos sœurs du Sénégal janvier 1991



Marie Thérèse Dempuré était née le 11 mai 1866, à Cacheo (Guinée Portugaise). Sa famille s'étant établie à Dakar, elle y connut les Sœurs Bleues et rêva bientôt de participer à leur tâche de dévouement auprès de la population.

En avril1885, elle entrait au Noviciat et s'y préparait avec ferveur à son apostolat futur. Tout de suite après sa profession, elle reprit le chemin du Sénégal où elle a passé sa vie entière : de 1888 à Dakar et ensuite à Rufisque où elle est morte.


Mère Jean de la Croix exprime en quelques lignes l’estime personnelle qu'elle avait pour cette religieuse exemplaire : "Elle était déjà âgée lorsque j'arrivai à la Communauté de Rufisque en 1930, presque aussi rapetissée que ces dernières années à cause des rhumatismes, mais elle avait un cœur si jeune ! Je fus tout de suite attirée par sa gaieté, son profond esprit religieux, surtout ce respect tout filial pour l'autorité. J'ai gardé depuis lors une vénération pour elle et une véritable affection... Dès que j'avais une grâce à demander, je la confiais à Sœur Marie Thérèse : Priez pour m'obtenir un petit miracle lui disais-je ; elle ne me questionnait jamais sur ce dont il s'agissait, mais elle m'assurait avec simplicité qu'elle prierait et n'oubliait pas, ensuite de me demander si j'avais obtenu la grâce… Quelle joie, alors quand je répondais "oui" ! Très souvent elle a eu cette joie car je ne me souviens pas de lui avoir confié des intentions sans être tôt ou tard exaucée.

C'était une âme de prière..."

De son côté, Mère Marie Daniel nous raconte les derniers moments de la chère défunte en rappelant les caractéristiques de sa vie spirituelle : "II y a huit jours, elle se leva encore avec la Communauté pour assister à la Messe ; dans la journée, elle se sentit plus fatiguée et se coucha plus tôt. Elle était oppressée. Comme cet état ne s'était pas amélioré le lendemain, nous appelâmes le docteur qui la soignes avec tant de dévouement depuis de nombreuses années. II diagnostiqua une congestion pulmonaire et employa la pénicilline qui réussit à merveille ; deux jours après, elle n'avait plus rien au poumon. Pourtant le samedi dans l'après-midi, elle demanda l'Extrême-onction qu'elle veut le soir même ainsi que le viatique en pleine connaissance. Notre Mère Provinciale et Mère Marie Elie avaient pu venir. La journée du dimanche fut calme, elle reçut encore la Sainte Communion et cela jusqu'à hier où son état ne le permit plus. Dans la nuit de dimanche à lundi elle eut trois fortes hémorragies, d'autres moins importantes suivirent, et l'affaiblirent tellement qu'elle ne put reprendre le dessus. Elle put nous parler jusqu'à hier matin, elle entra ensuite dans le coma et c'est ainsi qu'à 4 h. ½ ce matin, après trois derniers râles, elle rendait sa belle âme à Dieu. Elle eut la consolation de revoir quelques membres de sa famille de la terre qui lui était très attachée et en particulier sa nièce, Sœur Marie Thérèse Martin de M'Bour qui passa deux jours près d'elle.


Ce qui a marqué le plus je crois la vie de Sœur Marie Thérèse c'est son attachement à la Règle et à ses Supérieures. A la Règle ayant à cœur de demander les permissions les plus petites, partageant la vie de communauté dans la mesure où ses forces le lui permettaient, étant un bel exemple pour chacune. Son amour et son respect de ses supérieures : bien souvent elle demandait des nouvelles de la congrégation.

Cette vie si belle attirait les enfants, petites comme grandes, et les normaliennes, en allant faire leur visite le soir à la Chapelle, ne manquaient jamais de s'arrêter près de "Mame", à laquelle on avait toujours quelque chose à dire et qui savait appeler telle ou telle qu'elle sentait dans une mauvaise passe. Elle avait formé des générations à Rufisque et aujourd'hui, vieilles grand'mères, mamans et leurs enfants viennent se recueillir près d'elle et lui apporter le dernier témoignage de leur affection et de leur prière. Cette mort éprouvera toutes celles qui la connurent au Sénégal. Nous ne réaliserons qu'au ciel toutes les grâces que nous a valu sa présence dans notre maison et même dans Rufisque dont elle semblait être le paratonnerre.

"Nous pleurons Sœur Marie Thérèse, mais avec l'espoir qu'au ciel elle obtiendra, mieux encore qu'ici-bas, pour la Congrégation et le Sénégal, de nombreux "petits miracles".

       Sr Marie Louis, supérieure Générale

                          mai 1961