Laure fait profession de suivre le Christ dans la Famille Bleue


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C'est fou...!

Par Laure Deymier

C'est fou... Il est fou, oui, complètement, dans notre monde et au regard de mon histoire personnelle, de regarder ce qui s’est passé ces cinq, six dernières années de ma vie…

Un « souffle imprévisible » a soufflé pour reprendre le titre du chant d'ouverture de la célébration de ma profession le 30 octobre. La célébration se voulait témoin de cette force qui m'a saisie et qui m'envoie, de cet amour de Dieu, de cette rencontre avec le Christ.
Un amour contre nature: aimer jusqu’à ses ennemis, pardonner, etc… ne vont pas de soi… et pourtant… le Christ met en tout baptisé un désir qui nous fait avancer toujours plus loin dans le don de nous même, et ce désir n’en finit pas de prendre corps ; il transcende nos faiblesses et fragilités et nous permet de traverser les épreuves et vivre pleinement en étant porteur de Son amour et de Son espérance. « Si vous êtes ce que vous devez être, écrivait Ste Catherine de Sienne, vous mettrez le feu au monde entier ! » Cet amour m'aura transformée, unifiée au fil des années.

Un amour plus fort que toutes mes résistances, mes raisonnements… Être saisie par l’amour de Dieu, par le Christ peut difficilement se raconter ; la grâce divine se donne, se reçoit dans le secret du cœur de chacun, en fonction de nos histoires, de nos besoins, de nos désirs et cela reste très mystérieux même pour celui ou celle qui le vit et ne finit pas d’en découvrir toute la beauté… Mais cela ne se fait pas sans combat, le combat de la créature, libre, avec son Créateur… un combat d’une dizaine d’années au cours desquelles j’ai achevé mes études, ai travaillé comme officier de Marine de spécialité relations internationales au Ministère de la Défense, puis au Conseil de l’Union européenne à Bruxelles, et ai lutté contre l’idée d’une possible vocation religieuse. Il faut bien avouer qu’une telle vocation peut être « exotique » aujourd’hui… Mais voilà : « il y avait en mon cœur comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu. » (Jr 20, 9) Le Seigneur sait ce qu’Il demande et ne frappe pas en vain à la porte de notre cœur ; Il veut notre bonheur ; Sa main nous conduit avec une infinie délicatesse, en respectant notre liberté. Un accompagnement spirituel m’aura permis de discerner que mon bonheur passait non pas par la voie que je préférais de prime abord et qui semblait « normale », mais par la vie religieuse… et cela chez les sœurs de l’Immaculée Conception de Castres… voilà un autre mystère : le choix de la Congrégation !... une affaire de rencontres, mais « le hasard est la forme que prend Dieu pour passer incognito » disait J. Cocteau. Je me sens chez moi dans cette Congrégation ; leur manière de vivre la pauvreté, la chasteté et l’obéissance évangéliques avec une grande liberté de don et une grande ouverture d’esprit me rejoint, m’anime, m’envoie aimer pleinement l’autre, tous les autres et en particulier les plus fragiles d’entre nous, les plus démunis. Par delà continents et barrières de la langue et de la culture, avec simplicité et discrétion, les filles d’Emilie de Villeneuve témoignent d’un zèle missionnaire toujours en éveil, dans le monde entier et même dans une vie religieuse européenne plus âgée. Une Vérité, une Parole s’y vit avec justesse, une grande beauté ! Rendons grâce à Dieu !
Un amour que je n'ai pas découvert avec la foi : j'ai été élevée, nourrie, j'ai grandi dans une famille où il y a de la vie (une famille méridionale!) et où il y a aussi et surtout beaucoup d'amour, de respect, de liberté, de vérité, de profondeur... et je m’arrête là pour faire court…

Cette Profession vient donc au terme d’un chemin, qui a pris le 30 octobre une direction. J'ai choisi comme symboles de profession un sac à dos et une rose : le sac à dos pour signifier ce chemin, et également, dire ce vœu de ne pas m'installer physiquement et intérieurement, de ne pas devenir esclave de sécurités, intuitions, sentiments, opinions, d'avoir un cœur toujours disponible, ouvert pour de nouvelles aventures, et tout cela dans l’amour, par amour et avec amour, d’où la rose.

Une rose a des épines « pour se défendre contre les tigres » dira-t-elle au Petit Prince, qui lui répond « Mais sur ma planète, il n’y a pas de tigre ! » Sur la nôtre, il y en a… autour de nous, dans nos vies quotidiennes… et il n'y a pas à chercher loin : j'ai beaucoup de tigres intérieurs aussi, souvent… Mes défenses à moi ne sont pas des épines, mais cette décision de faire vœux de pauvreté, chasteté, obéissance, disponibilité pour servir les plus faibles, ainsi que votre aide, vos prières, l’affection de ceux qui m’entourent et surtout avec la grâce de Dieu. Aussi je vous confie ce désir ardent qu’Il me donne aujourd’hui de m’unir plus étroitement à Lui par la profession religieuse.

 

Voici l'homélie du père Bories. J'ai surligné en jaune ce que je trouve le plus beau :

 

« Aussitôt l’homme se mit à voir et il cheminait à sa suite »

Dans ce dernier verset de l’Evangile que vous avez choisi, Laure, j’aime voir un petit résumé de la pédagogie du Dieu de Jésus Christ apprécié d’Emilie

Ces mots parlent de l’homme, de chemin, de Jésus et de modèle

Cette pédagogie de Dieu résumée en quelques mots vous a aussi séduit – pour reprendre un mot de la première lecture - au point de laisser une vie avec des avantages incontestables pour un chemin aux tracés beaucoup moins précis !

Dans ce verset, il est d’abord question de l’homme

Cet homme c’est l’aveugle sur le bord du chemin,

C’est aussi le chef d’œuvre de la création dans laquelle Dieu a engagé son image.

L’homme c’est encore ce corps pris par Jésus pour révéler au monde qui Dieu aime sa créature et qu’il veut pour lui la vie et la vie en abondance !

Cet homme, avec une grand H, il est au cœur de la passion d’Emilie de Villeneuve. Chaque fois qu’elle le voyait abimé dans son humanité comme l’aveugle de Jéricho, elle entendait son cri et cherchait à le remettre debout en route

Elle a fait de cette attention un des axes de votre congrégation : « Avoir des entrailles de miséricordes qui s’émeuvent et se solidarisent avec la vie des pauvres »

Cet homme, c’est encore celui qui le Seigneur appelle comme il le fait pour Jérémie pour en faire un révélateur de l’amour de Dieu

C’est encore celui qui a compris que l’amour est le plein accomplissement de la loi pour reprendre les mots de St Paul entendus en espagnol !

Choisir d’entrer dans la vie religieuse, surtout dans une congrégation comme la vôtre, c’est, je crois, adhérer fondamentalement à cette vision de l’homme qui respecte celui qu’il voit surtout le plus pauvre et qui se sait respecté dans sa dignité d’être aimé par Dieu et créé par lui pour sa plus grande gloire !

Laure, l’appel du Seigneur transmis par la communauté des sœurs de l’Immaculée conception de Castres, s’adresse à cette personne libre et debout que vous êtes, même si parfois vous serez assise au bord du chemin, parfois en route à la suite du Seigneur, parfois en colère comme Jérémie et aussi souvent émerveillée par l’abondance des dons.

Restez toujours enracinée dans cette conviction d’un appel personnel adressé à une personne créée à l’image et la ressemblance de Dieu et toujours libre

« Vivre et célébrer notre condition de femmes aimées de Dieu, ainsi que l’expérience d’être créatures en assumant comme dons gratuits la vie et l’alliance que Dieu nous offre » disent vos constitutions. Dieu aime comme personne !

 

Le second point relevé dans ce verset d’évangile, c’est le chemin. « Il cheminait »

Etre chrétien c’est être pèlerin:

Quand Dieu se manifeste à quelqu’un, il ne l’enferme pas, au contraire, il lui apprend à être nomade et à avancer avec la vie, avec les gens, avec l’étude, avec le travail.

La vie de Jésus, est celle d’un homme en chemin : il n’arrête pas de se déplacer, il n’a même pas d’endroit ou reposer sa tête dit l’évangéliste !