Retraite à Castres : La miséricorde et Emilie


Par Soeur Iphigénie - Communauté de Paris pour les Laïcs, Amis d'Emilie

Introduction

INTRODUCTION

 

 

I. Présentation et prière

 

1.     Au fur et à mesure que les participants arrivent, distribuer les bouts de papiers où ils inscriront leurs noms

 

2.     Présentation : donner son nom – dire si on a déjà fait une récollection – dire, si possible, pourquoi je suis là – partager quelque chose sur Emilie :

 

3.     Définir récollection : Du latin recolligere : revenir à soi. C’est une retraite courte. C’est prendre du temps, s’arrêter et se mettre à l’écoute de Dieu. Se recueillir dans la prière et la méditation. Prendre du recul pour mettre sa vie sous son propre regard mais aussi sous le regard de Dieu pour nous croyants

 

4.     Invocation de l’Esprit : nous inscrivons nos noms sur les bouts de papier pour les déposer dans le coin prière : que l’Esprit nous fasse vivre pendant cette journée une expérience forte pour notre chemin de foi avec le Christ. Qu’il dispose nos cœurs et provoque en nous une rencontre réelle avec le Christ. (chant à l’Esprit ou CD)

 

5.     Présentation du thème et invocation d’Emilie : « Avec Emilie, vivre cette année de la miséricorde » Emilie sera bien présente aujourd’hui dans notre réflexion et notre méditation. Nous lui demandons aussi de nous accompagner par sa prière : Sainte Emilie priez pour nous

 

6.     Horaire de la journée : le faire ensemble

 

7.     Distribuer les rôles : secrétaire, photographe, …

 

 

 

II. Dynamique (pluie d’idées/brainstorming)

 

Dans l’Ancien Testament, Dieu révèle son nom à Moïse « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6)

 

·       Partager en binôme ce que le mot miséricorde évoque pour moi ?

 

·       Synthèse : écrire sur une grande feuille les réponses et mettre juste une croix à côté des mots répétés.

 

 

 

III.              L’Ancien Testament

 

Dans l’ancien testament, le concept de « miséricorde » est une longue et riche histoire entre Dieu et le peuple d’Israël réduit à l’esclavage et en exode.

 

 

 

L’Ancien Testament témoigne des fréquentes infidélités du peuple d’Israël, des prises de conscience de cette infidélité et des supplications adressées à la miséricorde de Dieu. Ex : le renouvellement de l’alliance après le retour d’exil (Ne 9) ; la finale du prophète (Michée7,18-20) ; le commencement de l’histoire des Juges (Jg3,7-9) ; les assurances consolantes prodiguées par Isaïe (Is1,18 ; 51,4-16…)

 

 

 

Cependant, le Seigneur aime Israël d’un amour d’élection particulier, semblable à l’amour d’un époux Os.2, 21-25 et 15 ; Is 54,6-8 ; Dans la prédication des prophètes, la miséricorde signifie une puissance particulière de l’amour, qui est plus fort que le péché et l’infidélité du peuple élu. Cet amour est puissant car d’une part il est fondé sur le fait que Dieu sait que l’homme est foncièrement bon. D’autre part il est bâti sur la confiance inaltérable que ce qu’il y a de bon et de bien en lui triomphera. Ainsi, même quand, excédé par l’infidélité de son peuple le Seigneur décide d’en finir avec lui, c’est encore sa tendresse et son amour généreux pour les siens qui l’emportent sur sa « colère ». C’est pourquoi Il lui pardonne ses fautes jusqu’à ses infidélités et ses trahisons dans un perpétuel et inlassable recommencement

 

 

 

IV.             Essai de définition 

 

Pourtant, la Bible situe très souvent la miséricorde dans les « entrailles » de la femme qui conçoit et enfante. Le mot "miséricorde" désigne, en hébreu, le cœur profond, les "entrailles" qui frémissent sous le coup de la douleur et de la peine. Quel père ou mère n'a ressenti cela en sachant son enfant malade, perdu ? La racine hébraïque derrière le mot miséricorde renvoie à l’utérus (rah’amim, « les tendresses », même racine que le mot désignant le ventre de la mère, l’utérus, rehem). Dieu fait miséricorde comme une mère donne la vie. Cette affirmation est un leitmotiv dans la Bible et particulièrement dans les Psaumes. Selon le prophète Isaïe, Dieu se présente comme une mère qui console son enfant (Is. 66, 13).

 

Cette tendresse maternelle de Dieu va se retrouver dans le Nouveau Testament, et d’abord en Jésus ; par exemple lorsqu’il apprend la mort de Lazare, son ami : il se trouble alors, « frémit dans ses entrailles » et se met à pleurer (Jn.11, 33, 35 et 38). La miséricorde apparaît donc comme l'attachement profond d'un être pour un autre et particulièrement de Dieu pour l'homme. La miséricorde est un mot pour dire cette réponse du cœur (cor, cordis en latin) provoquée par la rencontre d’une personne en détresse (miser en latin),

 

La miséricorde c’est la part tendre de Dieu, ce Dieu que nos civilisations phallocrates nous présentent volontiers comme « Père » mais jamais comme « Mère ». Le risque est de ne pouvoir le comprendre que selon la figure du dominant, du chef, du juge, et pas vraiment sur le registre de la tendresse, de l’indulgence…, de la « maternité ».

 

 

 

Aujourd’hui, Nous avons perdu cette intuition, cette sensibilité, cette actualité de la miséricorde dans l’histoire du monde et même dans nos histoires personnelles. Le mot lui même semble désuet et ne nous parle plus. Jean Paul II déjà, dans son encyclique attirait notre attention sur ce fait et disait que « … la mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée …»[1]

 

 

 

V.               Il y a trois aspects importants de la vie d’Emilie qui nous aide à avoir des clés de lecture des trois puissants appels de la Bulle du Pape François 

 

·       L’image qu’elle a de Dieu qui nous fait entrer dans un chemin de « contemplation du visage de la miséricorde »

 

·       La relation qu’elle vit avec Dieu qui nous inspire une façon de « faire personnellement l’expérience de la miséricorde dans notre vie »

 

·       Son option missionnaire qui nous entraîne, nous aussi, à « vivre au diapason de la miséricorde » notre engagement de chrétien.

Nous allons laisser Emilie de Villeneuve nous inspirer des attitudes, une manière d’être pour vivre ces invitations existentielles en cette année d



[1] Jean Paul II, « Dives in misericordia » (la miséricorde divine) décembre 1980

Partie I   Jésus visage de la miséricorde

I CONNAITRE ET CONTEMPLER LE VISAGE DE LA MISERICORDE :

 

(Quelle image ai-je de Dieu ?)

 

I.                Dynamique

 

Travail à deux ou trois  partir des textes des Prières d’Emilie : vœu perpétuel, acte d’abandon, au Sacré-Cœur

 

·       Quels mots utilise Emilie pour nommer Dieu ?

 

·       En quels termes Emilie parle t-elle de l’action de Dieu dans sa vie ?

 

·       Qu’est ce que cela révèle  de qui est Dieu Pour Emilie ?

 

·       Synthèse : Ecrire les réponses sur une grande feuille (séparer ce qui est dit du Père, du fils et de l’Esprit) et l’intituler « Litanies des noms de Dieu par Emilie »

 

 

 

II.              Les caractéristiques de la relation d'Emilie au Dieu trinitaire

 

A travers ses écrits et sa prière, nous pouvons constater que le Dieu que Emilie nous présente est un Dieu vivant qui, au-delà du simple fait d’exister et de nous faire exister en nous créant, agit, prend soin. Emilie en a fait l’expérience et à maintes reprises elle évoque l’action de Dieu dans sa vie et rend grâce pour les multiples bienfaits de Dieu à son égard ?

 

 

 

Relever les appellations, les qualificatifs qu’Emilie attribue à Dieu, les termes avec lesquels elle parle de l’action de Dieu dans sa vie,  c’est découvrir qui est Dieu pour Emilie, quelle image elle s’en fait. Emilie a sa propre litanie de Dieu, une profusion de noms qui est le fruit d’une riche expérience avec Dieu

 

 

 

Dans l’ensemble des prières nous trouvons les appellations suivantes :

 

1 - Dieu, Roi, mon tendre Père, doux Sauveur, Bon Dieu, Grand Maître, Bon Maître, Dieu d'Amour, adorable majesté P19, tendre Père, Créateur…. 5 – Le Dieu dont la miséricorde est inépuisable 122 – Le Dieu Sauveur 9 – « mon plaisir ne doit pas être dans les faveurs de Dieu, mais dans le Dieu des faveurs » 19 – Créateur, Sauveur, 27 - Aimable rédempteur, 33 – Dieu de miséricorde, 40– Aimable Jésus 85 – Cœur sacré, 77 – Aimable Cœur de Jésus, 78 – Divin Cœur 81– Cœur adorable, 82 – O Cœur, de tous les cœurs le plus dévoué et le plus généreux, - Amoureuse providence

 

 

 

2.1.            Quelle image de Dieu marque Emilie (Qui est Dieu pour elle) ?

 

 

 

·     Image d'un Dieu proche qui la connaît profondément, qui connaît ses imperfections, ses faiblesses, son impuissance à faire le bien cf. CIS122, 346. Tout cela dit-elle ce Dieu proche "les voit et me les reproche" NP3. Il l'interpelle, lui fait sentir ses impuissances à faire le bien cf. CIS 346 et en même temps, la soutient dans ses difficultés cf. CIS123 et l'aide à discerner les évènements avec calme cf. CIS349

 

 

 

·     Image d'un Dieu qui s'incarne; qui se solidarise de notre marche, qui est avec nous et nous apprend le chemin : « Le Dieu, divin époux, qui donne de grands exemples » NP69 – « Le Dieu qui fait aimer le prochain en Lui et pour Lui ». un Dieu qui s’incarne dans les médiations NP12, 19, 50 mais surtout dans le prochain en particulier les pauvres NP40, 17

 

 

 

 

 

·     Image d'un Dieu Providence qui dirige toute la vie des hommes cf. NP14, 24, qui prend "soin de nous" NP42, d'ou une grande attitude d'abandon au Dieu qui, comme elle le dit, prend "le soin de faire fructifier la semence jetée" NP38. Elle espère en ce Dieu « amoureuse Providence » P7, elle fonde sur lui sa confiance car elle sait qu'il lui viendra en aide dans ce qu'elle entreprend cf. CIS5, 26, 34, 77, 103, 12, 31 C’est dans cette perspective qu’il faut entendre et recevoir les appellations et expressions : – Le Dieu de Bonté – « Le Dieu qui comble de grâces » P7  – « Le Dieu qui est trop bon pour vouloir se séparer de nous… » P65 – C’est au nom de ce Dieu Providence qu’elle envoie les sœurs en mission : "sous l'aile de la providence sans autre appui que la croix qui brille sur les cœurs elles se rendront où la volonté de Dieu les appelle » C.1841 N°II.

 

 

 

·     Nous voyons également chez Emilie l’image d’un Dieu qui prend l'initiative dans la rencontre avec l'homme parce qu’il fait confiance : "Il daigne me pardonner et m'appeler à son service" NP6, "les religieuses sont les âmes choisies, les âmes d'élite...du Seigneur" NP66. 8 – Le Dieu d’amour qui lui confie ses œuvres. 207 – Le Dieu qui l’a choisie pour le faire aimer et servir

 

 

 

·     Expérience d’un Dieu qui attend une réponse qui veut vivre dans une réciprocité avec l’homme – Le Dieu qui attend sa perfection P210 – Le Dieu qui lui demande de pratiquer l’humilité P105 – Le Dieu qui l’attire avec force P96 – Le Dieu qui reproche les infidélités qui lui déplaisent et obscurcissent sa grâce P104 – Le Dieu qui veut son cœur sans partage, lui fait sentir qu’Il est tout et le reste rien, qui lui parle fortement au cœur…

 

 

 

·     Une expérience profonde que fait Emilie est celle du Dieu miséricordieux qui sauve, qui la sauve, elle, pauvre pécheresse– Le Dieu qui supporte toutes les misères – Le Dieu qui pardonne et qui appelle – Le Dieu qui répare et supplée à ce qu’elle n’a pas fait – Le Dieu qui a eu pitié de sa faiblesse. Emilie a découvert et fait l’expérience d’un Dieu  "qui nous pardonne autant de fois que nous péchons" NP1 "qui est si miséricordieux qu'il ne se séparera jamais de nous … malgré tout ce que nous pouvons lui faire, qui reste fidèle au delà du dégoût qu'il peut  ressentir pour nous » cf. NP65-66.

 

 

 

2.2.           Quel Christ Emilie suit-elle ?

 

Peut-on même séparer l'image de Dieu et celle de Jésus qu'avait Emilie dans sa vie ? Dieu s'est fait chair en Jésus-Christ. Mais nous allons essayer de voir quelle place Jésus avait dans la vie d’ Emilie. Notre Bonne Mère aimait parler de Jésus comme étant :

 

 

 

·       Son divin époux : P80, 120 ; NP2, 17, 18. Cet époux qu'elle appelle aussi "Jésus le Bien Aimé" est céleste et saint. En tant qu'épouse, elle ne doit être séparée en rien de son époux, elle doit même lui être conforme cf. P-120. Cet époux, elle le trouve le plus aimable, le plus tendre, le plus généreux, adorable, qualificatif qu'elle attribue au cœur de Jésus P-111. En tant qu'épouse du cœur du Christ, elle doit renoncer à tout "pour ne posséder que vous seul" P-80, entendant par là le cœur du Christ. Emilie se sait aimée et sauvée par Jésus-Christ avec tous ses frères. Elle abandonne sa vie au Bon Sauveur, son Divin et Doux Epoux, dans un grand esprit de foi et une entière confiance. Dans le cœur de Jésus elle trouve une source, un trésor de grâces et de salut P5. 

 

 

 

·       Son unique Sauveur, son aimable et divin Rédempteur (P-37, 48, 93, 27, 103) miséricordieux P-78, 108, aimable et divin rédempteur P-.

 

 

 

·       Jésus centre de sa vie à qui Il donne sens. Sans lui nous ne pouvons rien faire et la congrégation ne peut faire aucun bien NP46, 51. Et dans cette lancée elle parle de Jésus Seul NP-51. Il est la source de toutes nos paroles cf. NP-35. Cela explique tout le principe de la volonté de Dieu chez Emilie qui est de mourir à soi "vues et sentiments propres" pour laisser la place à Jésus.

 

 

 

·       La suite du Christ obéissant est aussi très marquée chez Emilie. "...M'exercer à imiter son obéissance à la volonté du Père" NP86. La croix du Christ avait un sens pour elle. Elle en avait fait  l'expérience dans sa vie, devant ses infidélités et les difficultés rencontrées au moment de la fondation et concernant la maison d'Amiens. Elle avait découvert que la croix était source de vie et avait compris que pour suivre le Christ il fallait prendre le même chemin que Lui, chemin de Mort et de Résurrection. Elle-même ne dit-elle pas "je redoute pour moi et les autres la voie des consolations  et je préfère la foi seule, les ténèbres, enfin la croix" CILS 2,19

 

 

 

·       Suite du Christ incarné dans "le prochain dans lequel elles (les sœurs) voient Jésus "NP-44. Jésus est quelqu'un, une personne, le fils de Marie. Ces deux personnes sont très souvent liées dans ces textes CIS-33, 52,89... O-3,29

 

 

 

2.3.           Quelle place donne Emilie à l'Esprit Saint ?

 

La troisième personne de la Sainte Trinité, Emilie le nomme de plusieurs façon : Saint Esprit NP-34, 62, 98, P-103 ;  l'Esprit de Dieu NP-5O ; l'Esprit du Seigneur CIS-162,194,348,363,375,378 ; la Grâce de Dieu NP-149. Elle considère que pouvoir accomplir la volonté de Dieu sans tenir compte des intérêts individuels est un désir que la grâce du Saint Esprit met en nos cœurs. C'est celui qui inspire les bonnes actions. L’Esprit Saint étant lumière et grâce NP34, il faut mourir à soi pour le laisser agir NP50 et suivre son inspiration NP38 car c'est lui qui dicte toute notre manière d'être, qui conduit tout nos discernements avec prudence.

 

 

 

Emilie a aussi compris que Dieu-Père qui s'est fait chair en Jésus est aussi celui qui donne l'Esprit. Tantôt elle parle de l'Esprit de Dieu, tantôt de l'Esprit de Jésus NP-2, 21, 23.C'est l'Esprit Saint qui l'inspire aussi ce qu'il faut faire et elle cherche à agir selon cet Esprit. Ce qu'elle désire seulement c'est d'être animée par l'Eprit de Dieu et d’être guidée par lui-même dans ses actions.

 

 

 

En résumé : Bien que dans les textes que nous avons lus Emilie n’utilise presque pas le terme Trinité, nous pouvons affirmer que, dans sa vie, elle a établi une relation personnelle avec les trois personnes de la Trinité. Elle parle des trois personnes de façon distincte et cependant, ce qui frappe l'attention, c'est qu'elle passe sans transition d'une personne à l'autre, leur attribuant parfois le même rôle, la même appellation. Ainsi, comme Dieu s'incarnait dans le prochain NP-40, Jésus aussi s'incarne dans ce même prochain NP-44, 53. Comme elle parle de "Dieu Seul", elle parle aussi de "Jésus Seul" NP-51, 104.

 

Le texte de NP-149 regroupe à lui seul les trois personnes de la Sainte Trinité : "... je tâcherai de penser à Dieu présent en moi, et aussi à notre Seigneur qui est présent comme Dieu et par sa grâce". Ces paroles résument l'idée qu'elle a de sa relation au Dieu Trinitaire. Le Dieu qu'elle suit est le Dieu Père que Jésus-Christ est venu nous révéler et qui continue d’être présent au milieu de nous comblant nos vies de la lumière de l'Esprit Saint.

 

 

 

 

 

 

 

III.            Contempler le visage de la miséricorde qui est Jésus christ

 

Un des douze apôtres (Philippe) a demandé à Jésus « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit » et Jésus lui répond « voila si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas… ? Qui m’a vu a vu le Père » ainsi, dans le Christ et par le Christ, Dieu devient visible dans sa miséricorde. C’est le Christ qui est réellement le visage de la miséricorde et c’est lui qui nous en donne le sens complet. C’est lui qui nous révèle la vérité au sujet de Dieu « Père des miséricordes » :

 

Ne pas connaître qui est Jésus a été tout le drame de l’Evangile. Saint Jean nous dit « le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde. Il était dans le monde et le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tout ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu… »

 

 

 

Le terme connaître est central : Connaitre Dieu est indispensable pour parvenir à en avoir une image juste et pouvoir établir une relation ajustée avec Lui.

 

-        Dans le Deutéronome 5,8nous lisons « Tu ne te feras pas d’idole, rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, et tu ne les serviras pas, car c’est moi le Seigneur ton Dieu ». l’idole dont il est question ici n’est pas seulement la forme, l’image extériorisée mais aussi la représentation mentale que nous nous faisons de Dieu

 

-        On entend souvent dire que la religion engendre la violence, mais Dieu n’est pas la religion… il est indispensable de prendre clairement conscience de nos fausses notions sur Dieu, de les repérer, de les regarder, de les vérifier dans l’esprit pour voir à partir de quels évènements ou blessures elles sont nées. C’est un chemin de vérité donc de libération.

 

 

 

Comment se forme cette image de Dieu

 

ü  Souvent nous avons avec Dieu une relation de règlement de compte : avec le Deutéronome nous savons que l’une des premières recommandations de la Bible est de nous mettre en garde contre le fait de nous imaginer Dieu à partir d’images de ce que nous connaissons : père, mère, responsable, représentant ou aspect de l’Eglise, …. Rien de cela ne peut dire Dieu dans son essence. Une grande part de nos difficultés viennent de ce que nous imaginons Dieu à partir des êtres humains avec lesquels nous avons eu nos premières relations. Un enfant ne peut guère faire autrement que de transposer sur Dieu l’image qu’il a eue de son père, de sa mère, de ses proches, de ses premiers éducateurs. Nous avons à être libérés de nos fausses idées pour accueillir un Dieu autre que notre père ou notre mère : un Dieu qui nous aime tel que nous sommes, gratuitement, qui respecte notre liberté…

 

« Tu es mon fils bien aimé » Mc.1, 11. « Ces paroles, Jésus les a perçues comme la vérité profonde de son être. La force qui le soulève à présent n’est plus l’amour d’un homme pour Dieu mais l’amour même de Dieu pour l’homme, pour tous les hommes. En lui, Dieu s’est rapproché de manière  nouvelle et indépassable. Telle est la bonne nouvelle qu’il a pour mission d’annoncer.

 

Malheureusement, nous projetons presque toujours sur ce mot « Père » ce que nous connaissons de notre père ou de notre mère. C’est l’enfant bléssé qui réagit, qui se révolte, qui croit que personne ne saura jamais s’intéresser à lui car il n’en vaut pas la peine. Il ne parvient pas à imaginer ce que peut être une relation libre, vivante, chaleureuse, réelle, avec un père ou une mère. Il s’installe dans l’idée que ce monde qui lui est totalement étranger ne peut exister, et il ferme la porte au don [1]». Ainsi sans nous en rendre compte, nous réglons sur Dieu nos comptes avec nos parents.

 

 

 

ü  Connaître Dieu permet de ne pas avoir peur : Dieu est conscient de cette peur qui nous habite et cela dès la création Adam dit « j’ai eu peur et je me suis caché » Nous avons aussi Pierr qui marche sur les eaux et la peur fait qu’il s’enfonce. La peur chasse l’amour et la confiance. En effet :

 

o   Pour certains, l’amour est dangereux parce qu’ils ont eu l’expérience de l’amour fusionnel, possessif, oppressant… qu’ils voient comme une menace pour eux. Ils se méfient de l’amour avec cette peur d’être dévorés, envahis dans le seul lieu qui leur appartienne vraiment.

 

o   D’autres ont connu l’amour sous condition qui dit : « tu seras aimé si tu corresponds à ce que je désire, si tu remplis bien ta fonction d’aîné ; cela crée la peur d’être rejeté, une impression de devoir mériter l’amour, ils sont dans l’incapacité d’accueillir la gratuité de l’amour de Dieu qui nous aime tels que nous sommes.

 

o   D’autres ont eu un père autoritaire et le moindre acte de liberté est perçu comme une transgression qui produit de la culpabilité, de la fausse soumission et une fausse conception de la loi de Dieu qui n’est pas intériorisée.

 

La peur nous ferme à la possibilité d’être nous même devant Dieu. « Comment désirer vivre en Dieu si l’on croit qu’il est le rival de l’être humain, qu’il le menace de sa toute-puissance ?  Nous pensons qu’il va aliéner :

 

o   notre identité : nous n’allons plus exister, plus avoir de pensée, de volonté, de désir, être dévorés

 

o   notre liberté : nous allons être soumis à une contrainte insupportable

 

o   notre vie : Dieu ne va pas tenir compte de nos limites ; nous risquons de devoir vivre un dépassement qui pourrait nous écraser. Souvent nous pensons que Dieu punit, accuse, condamne, accable, qu’il est la source du mal, qu’il veut notre mort et non notre vie. »[2]

 

Dieu ne cesse de nous rassurer : « Ne crains pas car je t’ai racheté ; je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. Si tu passes par les eaux, je serai avec toi. Si tu traverses le feu, tu ne t’y brûleras pas, et la flamme ne te consumera pas. Car je suis moi Yahvé ton Dieu, le Saint d’Israël, ton sauveur. Pour ta rançon j’ai donné l’Egypte, Kush et Séba, à ta place. Parce que  tu comptes beaucoup à mes yeux, que tu as du prix et que moi je t’aime…ne crains pas je suis avec toi » Is. 43,22,23

 

 

 

ü  Connaitre Dieu permet de le « voir particulièrement proche de l’homme, surtout quand il souffre, quand il est menacé dans le fondement même de son existence et de sa dignité. « tout en Lui parle de miséricorde, rien en Lui ne manque de compassion » nous dit le Pape François - Mt. 9, 36 « A la vue de la foule, il eut pitié car les gens étaient là prostrés comme des brebis sans berger » ; Mt.14, 14 « A la vue de la foule il eut pitié et il guérit tout leurs infirmes » ; Mt.15, 37 « tous mangèrent » Lc. 7, 15 : Il ressuscite le fils unique de la veuve de Naïm qui est en pleurs. Mc 5, 19 : à l’homme qui a été délivré d’un démon Jésus dit : « Va vers les tiens et rapporte leur ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde ». (8) Dans les paraboles de la miséricorde :

 

o   Jésus révèle la nature de Dieu comme celle d’un Père qui ne s’avoue jamais vaincu jusqu’à ce qu’il ait absous le péché et vaincu le refus, par la compassion et la miséricorde. –brebis égarée – pièce de monnaie perdu – fils prodigue.

 

o   Jésus nous enseigne comment il nous faut vivre Mt. 18, 22 : « pardonner soixante dix-sept fois sept fois » et au verset 33, il demande au débiteur d’«  avoir pitié comme moi j’ai eu pitié (9)

 

ü  Connaître Dieu permet de savoir quel type de relation nous entretenons avec Lui, de savoir si elle est appropriée et de toucher du doigt la réalité de notre expérience de foi.

 

 

 

IV.            Comment Emilie parvient-elle à contempler le vrai visage de la miséricorde ?

 

 

 

ü  Emilie a vécu un chemin de purification de cette image de Dieu à deux niveaux.

 

o   D’une part, pour Emilie, Dieu n’est pas celui qui lui a arraché sa mère et ses deux sœurs. Dans ces évènements de sa vie elle a du se poser des questions, les mêmes peut-être que nous nous posons devant le mal, la mort… mais elle ne s’arrête pas à l’image d’un Dieu qui serait responsable de la souffrance et du mal ou qui punit et maudit. Les théologiens précisent qu’« En 1825, Emilie a à peine 14 ans, sa mère meurt ; l’année suivant elle perd, de façon prématurée, sa sœur Octavie … (cependant) tous ces évènements… éveille son âme bonne et sensible …vers les souffrances du monde des pauvres, et l’élévation de la vie aux plus hauts sommets spirituels[3] ». Coraly nous dit que ce sont ses années d’enfances, les récits des voyages, les blessures provoquées par le douleur cruelle de la mort de ses êtres chers qu’Emilie reçoit une nouvelle existence.[4] En effet, elle a perçu comme le mode, la logique de fonctionnement de Dieu pour le monde et particulièrement pour elle. Elle a compris que les deux formes du mal : la souffrance et le péché ne sont pas le fait de Dieu. La souffrance est inhérente à la condition humaine. elle peut venir de nous, des autres, du monde. Elle fait partie de nos limites, elle peut atteindre le corps, le psychisme, la vie spirituelle, la vie sociale. Elle a perçu que c’est dans le mal l’impuissance et la souffrance que Dieu ouvre un chemin de miséricorde pour le monde et pour chaque personne. Emilie elle-même affirme : « j’ai bien compris que la toute puissance de Dieu réside dans sa miséricorde. Dieu est puissant parce qu’il est miséricordieux. Dieu sauve parce qu’il est miséricordieux ».

 

o   D’autre part, pour Emilie, Dieu n’est pas non plus celui de qui on exige des miracles ; même si elle sait accueillir les faveurs de Dieu et rendre grâce, son expérience de Dieu fait qu’elle donne à ses sœurs le conseil de ne pas « croire ou se confier aux faveurs de Dieu mais au Dieu des faveurs ». Elle veut échapper à la tentation de manipuler Dieu : c’est-à-dire de nous construire un Dieu sur mesure qui doit correspondre à nos attentes. Qui répondrait à nos prières quand on veut, comme on veut. laissons Dieu se révéler à nous-mêmes. Accueillir le dans la confiance tel qu’il se donne à nous. Ne tentons pas de mettre la main sur la révélation ni de créer un Dieu à l’image de l’homme. Cela pourrait nous mettre dans la déception et la révolte et tuer la confiance.

 

o   De plus, Emilie nous révèle son secret et ce qu’elle conseillait : « Appliquez-vous principalement dans vos oraisons à étudier les mystères, les maximes et les vertus de l’Homme Dieu, afin de vous former sur ce divin modèle et de parvenir, par la connaissance et l’imitation de sa vie extérieure, à pénétrer jusque dans le sanctuaire de son cœur, à vous remplir de son esprit, et à retracer dans votre conduite les vertus de votre adorable Maître; attachez-vous surtout à étudier et à imiter son admirable humilité, son inaltérable douceur, sa divine charité et sa parfaite mortification. » Elle qualifie elle même sa relation de "commerce intime" et les termes qui reviennent souvent sont : écouter, unir, inspirer, demander conseil.... en effet, la connaissance de Dieu ne peut se faire qu’à partir de la contemplation de toute la vie du Christ et non de la notre. Seul le Christ peut nous faire saisir Dieu dans son essence. C’est ce qui fait dire au Pape que la miséricorde à un visage et ce visage c’est Jésus : « Jésus Christ est le visage de la miséricorde du Père (1)  A travers ses paroles, ses gestes et toute sa personne, Jésus révèle la miséricorde(1) La mission que Jésus à reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude ». La contemplation du Christ est le chemin pour connaitre le Dieu des miséricordes : « Nous avons toujours besoin de contempler la miséricorde. Elle est source de joie de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut (2)… Fixer notre regard sur la miséricorde (3) Le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, nous pouvons accueillir l’amour de la Sainte Trinité [5]».

 

 

 

ü  Emilie propose des pistes pour sortir de ces fausses notions de Dieu 

 

o   Prendre le temps de dépoussiérer notre foi par la lecture de livres simples et clairs qui vont nous aider à sortir du flou, nous mettre à l’écoute de la parole de Dieu, contempler la vie du Christ avec un regard neuf, un cœur ouvert en laissant l’Esprit nous guider, nous enseigner, nous introduire dans la révélation

 

o   Prendre clairement conscience de nos fausses notions sur Dieu, les repérer, les regarder dans l’Esprit et voir à partir de quelles blessures elles ont pu apparaitre

 

o   Prendre conscience du décalage qui existe entre ce que nous affirmons croire et ce que nous croyons réellement au fond de nous-mêmes[6]

 

Il s’agit là parfois d’un véritable combat spirituel : connaître la vérité qui seule nous rendra libre. Dans ce combat, les déclarations d’intention ne suffisent pas et il est urgent parce que nous sommes comme à un point de rupture.

 

 

 

V.              Dynamique d’intériorisation (partage à deux après un temps de réflexion silencieuse)

 

 

 

·       Qui est Dieu pour moi ? par quels mots est-ce que je nomme Dieu d’habitude ? (Ecrire ma propre litanie des noms de Dieu à partir de mon expérience de l’œuvre de Dieu dans ma vie)

 

·       Quels sont mes peurs dans ma relation avec Dieu ? suis-je capable de lui faire confiance totalement, aveuglément… ?

 

·       De tous les mots qu’Emilie me donne aujourd’hui lequel m’inspire pour vivre cette année de la miséricorde ?

 

·       J’écris ce mot sur un bout de papier et je le dépose sur le chemin, à côté de mon nom.

 



[1] Pacot Simone, L’évangélisation des profondeurs, Paris, 2003, p.36

 

[2] Pacot Simone, L’évangélisation des profondeurs, Paris, 2003, p.36

[3] Les théologiens se prononcent, le décret ratifie l’héroïcité des vertus de Jeanne Emilie de Villeneuve, Rapport n°5, p.78

[4] « Notice sur mon Emilie » p. 78-79

[5] Pape Francois, Encyclique  « Laudato si », n°2 et 3

[6] Thérèse Glardon, Bernard André, Jean-Claude Schawb en dialogue avec Hans Bürki, Le temps pour vivre, Presses bibliques universitaires, coll. « Espace », 1991, p.28

 


Partie II Expérimenter la miséricorde

FAIRE L’EXPERIENCE DE LA MISERICORDE DANS NOTRE VIE

 

 

« Faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance[1] » (3)

 

 

 

Dès après son élection, le Papen François relève l’importance de la miséricorde pour les personnes et pour ce monde. Il dit : "Ressentir la miséricorde, ce mot change tout. C’est ce que nous pouvons ressentir de mieux : cela change le monde. Un peu de miséricorde rend le monde moins froid et plus juste. Nous avons besoin de bien comprendre cette miséricorde de Dieu, ce Père miséricordieux qui a une telle patience (…) Souvenons-nous du prophète Isaïe, qui affirme que même si nos péchés étaient rouges écarlates, l’amour de Dieu les rendra blancs comme neige. C’est beau, la miséricorde ![2] » C’est déjà une invitation à faire l’expérience de la miséricorde.

 

 

 

I.                Se sentir personnellement aimé et pardonné par Dieu : un chemin de rencontre

 

 

 

1.     Nous avons deux types de rencontres :

 

ü  Celle de la Miséricorde et la Misère : Dans cette première rencontre Dieu prend l’initiative. C’est le mouvement naturel de la miséricorde. Il abandonne sa tranquillité, sa paix, sa prétendue immutabilité et entreprend une recherche inquiète jusqu'à ce qu'Il me rencontre… C’est la misère de l’homme qui fait fondre le cœur de Dieu. Ce n’est pas seulement une misère physique que l’on peut voir mais aussi au-delà des apparences, il perçoit le plus profond de la misère intérieure de l’homme ; son incapacité, sa fragilité à être fidèle à ce qu’il est vraiment, c’est-à-dire enfant d’un Dieu unique, privilégié du cœur de Dieu ; son attrait pour ce qui est à la périphérie de lui-même et qui le corrompt comme s’il avait peur de se retrouver face à lui-même. La miséricorde est l’agir de Dieu envers cette misère, cette pauvreté : Une attitude clé de la miséricorde que nous rappelle le Pape est la « patience de Dieu ». Dieu met ses entrailles dans la misère humaine, dans l’incapacité de l’homme à être heureux par lui-même. « C’est par la miséricorde, (sa patience) que Dieu assume sa responsabilité envers nous. Il se sent responsable, c'est-à-dire qu’il veut notre bien et nous voir heureux, remplis de joie et de paix ».(9) Il s’agit d’une volonté, d’un amour pas seulement affirmé mais visible, tangible et concrèt : intentions, attitudes, comportements qui se vérifient dans l’agir quotidien. Chaque action divine est telle qu’il n’est pas possible d’en concevoir une plus grande parce que la mesure de Dieu est celle « bien pleine, bien tassée » de l’évangile.

 

 

 

ü  Celle du pardon de Dieu et du péché de l’homme : « Face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du pardon. (…) le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux … pour nous c’est un impératif. La Miséricorde (pardon) sera toujours plus grande que le péché, et nul ne peut imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne » (3) « C’est le chemin de rencontre (pour que l’homme) ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de son péché. la miséricorde est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre (2). Le pardon des péchés est l’acte par lequel la miséricorde de Dieu se manifeste de façon la plus éminente. C’est un acte d’exclusive compétence divine et Saint Thomas juge cet acte comme encore plus divin que celui de la création lui-même[3].

 

 

 

2.     Nous avons deux récits erronés de cette rencontre :

 

ü  La miséricorde sans la conversion : c’est quand on suppose que la miséricorde se donne sans dénonciation du péché, du mal…. Une miséricorde sans l’exigence de la conversion n’est pas la miséricorde divine. C’est juste bander les blessures et non les soigner. La vérité est prisonnière de l’injustice et elle doit être libérée.[4] Ainsi la catéchèse apostolique nous dit que la voix de Jean Baptiste ne doit jamais cesser de résonner : « voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du chemin Seigneur, rendez droits ses sentiers ; tout ravin sera comblé et toute montagne ou colline sera abaissée ; les passages tortueux deviendront droits et les chemins raboteux seront nivelés et toute chair verra le salut de Dieu » Luc.3, 4-6

 

ü  La conversion sans la miséricorde : C’est entrevoir la fin et non le chemin, c’est vider de sens la nécessité de la conversion. Même les païens, les philosophes comprennent et désirent être meilleur. Vouloir la conversion sans la miséricorde cee serait transformer en farce, le drame de la rencontre entre la miséricorde et la misère humaine. C’est comme semer sur du marbre[5]

 

 

 

3.     La réponse de l’homme : la conversion.

 

Si le pardon est la dimension divine de la rencontre entre Dieu et l’homme, la conversion en est la dimension humaine : c’est les termes de l’alliance entre Dieu et les hommes et l’une n’existe pas sans l’autre. Là aussi l’appel du Pape est clair au n°19 de sa bulle : « Que puisse parvenir à tous la parole de pardon et que l’invitation à faire l’expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent ! Mon appel à la conversion s’adresse avec plus d’insistance à ceux qui se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison de leur conduite de vie … organisation criminelle … corruption. C’est une œuvre des ténèbres …(19) » Le Christ nous a dit que le Père voit dans le secret et attend que nous recourions à lui dans tous nos besoins.

 

Comme pour l’enfant prodigue, chacun a pour première vocation de trouver son chemin de retour vers le père : le chemin par lequel ce Dieu de miséricorde vient à lui avec son pardon et que sa propre misère prend pour se laisser convertir, transformer ; pour s’ouvrir et s’offrir à cette rencontre. C’est un chemin d’exode : Il s’agit pour chacun du chemin de l’âme chrétienne pour passer de l’homme ancien à la Vie nouvelle dans le Christ. Nous abandonnons notre terre pour une destination inconnue, comme Abraham, dans la confiance nous suivons Dieu qui nous guide. Nous laissons le Seigneur nous sortir du confort et de la rigidité de notre moi pour nous centrer sur Jésus-Christ. A la racine de ce mouvement, il y a un appel à l’amour, c’est l’amour qui nous fait sortir de nous même, qui nous entraine dans cet exode et qui nous décentre de nous même. Nous sommes alors, dans une attitude toujours renouvelée de conversion et de transformation, nous passons de la mort à la vie comme nous le célébrons dans la liturgie, rien de moins que le dynamisme pascal. En effet, passer de l’esclavage de l’homme ancien à la vie nouvelle dans le Christ est l’œuvre rédemptrice qui advient en nous par la foi (Ep 4, 22-24). Ce passage est un “exode” véritable et particulier, l’orientation décisive de l’existence tournée vers le Père de la miséricorde.

 

 

 

 

 

II.              Comment Emilie nous inspire t-elle de vivre cet exode à partir de son expérience personnelle de la miséricorde de Dieu

 

 

 

1.      Dynamique : travail en groupe sur des textes d’Emilie

 

 

 

NP- 1,2,6, 3,4,42,5,80,8,123,40,1,17,10,198,2,12,1,9,100,25,29,22,14,63,2,13,17,3,35,26,43,26,35,13,

 

P- 17,83,3,27, 3,29,1,15,

 

CIS- 7,67,63,10,141,5,48,6,5,346,65,66,67,13,227,65, 66, 67, 8, 84 13,227,12,183,346

 

SL- 2,3

 

CSLII- 2,21

 

CILS- 2,19

 

CI- 3,26 

 

DS- 13, 27, 18,14

 

C.1852- 11, chp. V, 5, 3

 

C.1840- 148, 163, 135, 144, 154

 

C.1841- N°184.

 

« Je prétends que tous les battements de mon cœur, tant la nuit que le jour, que tous les mouvements de tous mes membres, soient encore des actes de votre très pur amour … » (positio p.126).

 

« Je me nourrirai toujours de la sainte volonté de Dieu, la trouvant partout, dans la santé comme dans la souffrance, dans le repos comme dans le travail, … ne voulant savoir ni comprendre que le sens de ce mot : volonté de Dieu, abandon, pur amour, Dieu seul, Dieu seul » (Positio p.128) 

 

 

 

Questions : Après tout ce que vous venez d’entendre sur le chemin de rencontre

 

·        Quelles sont les attitudes d’Emilie ? Quel est son but ? Quels moyens prend t-elle ?

 

·        Mise en commun

 

 

 

2.     Commentaire

 

Etre au clair avec l’image que nous avons de Dieu nous aide à trouver le point de départ de ce chemin, de notre histoire personnelle avec la miséricorde et l’amour de Dieu. La vie spirituelle d’Emilie étant marquée par tous les aspects découverts ci-dessus, elle va développer des manières d’être propres à l’image qu’elle a de Dieu.

 

Nous savons que pour Emilie, Dieu n'est pas seulement quelqu'un de lointain, le Créateur et le tout-puissant. Dieu est maitre de nos vies, il agit dans notre vie, à travers les personnes et les événements ; un Père tendre et miséricordieux plein d'amour de bonté et surtout patient envers toutes ses fautes et la comblant toujours de grâces et de bienfaits.

 

Si Emilie a pu vivre une forte expérience de Dieu dans sa vie, c'est parce qu'elle aimait, mais surtout parce qu'elle était sûre de l'amour de Dieu pour elle. Son chemin de rencontre entre pardon de Dieu/conversion de l’homme est une histoire.

 

 

 

ü  Reconnaître nos propres limites : Il y a une tentation fondamentale de refus des limites qui se trouve au cœur de tout être humain. Emilie reste lucide sur ses limites, elle les nomme et sait qu’il est indispensable pour elle de laisser Dieu les habiter par la puissance de son amour. Dans sa prière : elle s’inscrit dans l’attitude du publicain qui devant le Seigneur reconnaît sa faiblesse humaine. Sa prière est très marquée par la supplication face à ses faiblesses NP100. Elle se jette au pied de Jésus NP1, 25. Elle trouve le besoin d’anéantissement devant Dieu qui lui fait connaître son impuissance à tout bien par elle-même : « Je  suis comme anéantie à la vue de mes misères et accablée à la vue des bienfaits de Dieu à mon égards, de son amour si miséricordieux" CIS 346. Les Théologiens parlent de son héroïque délicatesse de conscience, son horreur du péché et son humilité pour parler de ses luttes en toute simplicité avec ses directeurs spirituels (Positio p.612) mais aussi à ses sœurs à qui elle demandait de lui faire des remarques sur ce qu’elle voyait de pas ajusté en elle. Emilie, femme réaliste qui reconnaît ses limites, ses faiblesses et ses infidélités a rencontré un Dieu Incarné, pleinement homme, qui chemine avec elle et lui manifeste continuellement sa bonté et son amour ; un Dieu qui la comprend et qui la soutient3 Toute sa force elle la trouve en Dieu Seul. Connaissant sa faiblesse et toutes les difficultés rencontrées, elle ne cesse de se confier à la divine providence12 attendant patiemment son secours. Sur son chemin de rencontre avec Dieu, elle ne s’encombre pas d’elle-même ni de ce qu’elle voudrait être.  C’est cette attitude d’humilité qu’elle nous recommande de vivre aujourd’hui comme vertu principale : « … Redonner à Dieu sa juste dimension dans ma vie et trouver la nôtre[6]

 

 

 

Il est significatif que les tentations de Jésus au désert prte précisément sur l’acceptation des limites de l’être humain, le refus de toute puissance. Reconnaître la misère humaine à commencer par la sienne c’est « reconnaitre que nous sommes au fond que des gamins pour lesquels s’impose la lente pédagogie de l’amour, la bienveillante éducation ». « Ne culpabilisons pas d’avoir des limites ce serait vouloir nous faire pardonner d’avoir été créés finis. - Discernons nos limites, nommons-les afin de les assumer en les intégrant – changeons notre regard sur nous-mêmes : accepter d’être aimés tels que nous sommes, accepter les crises, les oppositions, les difficultés n’est pas de la résignation qui est passive et contraire au mouvement spirituel. C’est un choix qui consiste à déposer nos illusions sur nous-mêmes, les autres, une situation – renoncer à une illusion c’est faire un détachement profond de l’ordre du deuil : l’image idéalisée de nous-mêmes qui nous empêche d’accèder notre vérité et d’être nous-mêmes

 

 

 

La perfection dont Jésus parle dans Luc 6,36 n’est pas celle qui consiste à être sans failles, sans limites, ce n’est pas du perfectionnisme. Elle réside dans la capacité que nous avons à aimer nos ennemis, faire du bien, prêter sans retour… afin d’être les fils du très haut. – Ne poursuivons pas le rêve de la perfection de notre famille, de notre couple, de notre communauté… En refusant un monde blessé, une relation abîmée, un amour imparfait, nous risquons d’être prisonniers dans l’idéal que nous nous sommes fixés - C’est un rêve de toute puissance qui nous amène à nous passer de Dieu : d’une part nous devons propriètaires de notre vie, de nos dons, de nos projets au lieu de les recevoir de Dieu et de collaborer avec l’Esprit et de vivre de la grâce. D’autre part nous nous prenons pour Dieu  en voulant maîtriser la situation, en refusant l’échec, les rechutes, le retour en arrière, la remise en question, en voulant aider l’autre à notre façon, sur le plan spirituel la toute puissance se manifeste aussi quand on tente d’influencer Dieu, de le manipuler par nos revendications qui servent nos intérêts et quand le magique s’introduit dans notre foi. La toute puissance est insidieuse parce qu’elle se vit beaucoup sous couvert de bonne foi, de bonne volonté. C’est un piège et nous ne nous rendons pas toujours compte[7] ».

 

 

 

Nous devons consentir au réel. C’est ce dont témoigne le frère Martin Hillairet, o.p. « De fait, j’ai mis du temps à découvrir que, décidément, l’Évangile n’est pas fait pour les fiers-à-bras ; il est fait pour ceux qui acceptent de se reconnaître fragiles, enfants… Il est fondamentalement tendresse, ce qui est bien sûr tout autre chose que mièvrerie… Cela s’appelle l’amour ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ü  Avoir confiance que nous allons à la rencontre de l’amour :

 

Le premier acte à poser sur la route va être un mouvement de confiance totale à la sagesse, à la force de l’Esprit : abandonner la forme de guérison attendue, arrêter de se fixer sur  une attente précise et lui donner notre plein accord pour qu’il œuvre librement -

 

o   Il faut de l’audace pour se présenter à Dieu tels que nous sommes sans crainte et avec confiance parce que cette expérience nous mène à faire la vérité sur nous même. La nouvelle alliance implique un cœur nouveau.

 

o   Emilie a su s’abandonner avec confiance à cette action de la miséricorde dans sa vie malgrès les difficultés : la mort de sa mère et de ses sœurs, l’attente que le père lui demande, son projet d’être sœur de la charité remplacé par le projet d’être fondatrice, … persuadé qu’à travers tout cela, Dieu agit dans sa vie avec amour. Au début de la fondation de notre congrégation, Emilie ne savait pas où Dieu la conduisait. Elle a osé risquer sa vie avec Dieu parce qu'elle avait découvert en Lui la source de la vie : la Vie. Avec toute sa féminité, elle s'est engagée sur le chemin de la vie. Elle parle beaucoup des desseins d’amour de Dieu sur elle et sur la congrégation et cette conviction fait naître une grande confiance en elle : « Mon père, c’est pour Dieu que je vous quitte… »

 

 

 

ü  Nous ouvrir et nous offrir à la Source

 

La Parole de Dieu de ce 2ème dimanche de l’avent nous introduit dans ce thème de s’ouvrir pour que la miséricorde réalise son œuvre de salut (Lc. 3, 3-6). Par la mort de Jésus sur la croix c’est Dieu qui a pris l’initiative de nous réconcilier avec lui. Cependant, Il nous faut entendre le manque (d’amour, de plénitude…) qui nous habite, demander et accepter d’ouvrir. Ces deux actes vont exiger de notre part éveil, adhésion, collaboration avec la grâce. Si l’initiative divine ne descend pas jusqu’à la racine de notre misère, au cœur de notre « moi », elle ne nous guérit pas véritablement. Que nous faut-il ouvrir ?

 

o   L’intégralité, la globalité de notre être, les zones d’ombre de toute notre histoire, nos résistances conscientes ou inconscientes avec ses épaisseurs,

 

o   Notre potentiel de richesses et de ressources non totalement exploité pour leur redonner vie, les réorienter à partir de l’expérience de la miséricorde.

 

En effet, si tout reste à l’écart, loin de notre source intérieure ; notre moi est comme en exil et finira par mourir de faim comme l’enfant prodigue ou par sécher comme le sarment coupé du cep.

 

La miséricorde se heurte à la pierre qui ferme l’entrée à des résistances qui viennent du fait que nous n’avons pas vécu nos blessures de façon saine et que nous ne sommes pas encore guéris, nous avons encore peur. Sans miséricorde on a vite fait d’emprunter une spirale dépressive et de glisser vers un abîme sans fond

 

Le travail de la miséricorde c’est de féconder, remettre en ordre, restaurer, unifier mais pour cela, il faut « enlever la pierre » pour que la miséricorde pénètre dans nos tombeaux. Même si ça sent mauvais, Jésus s’en moque car il est  venu pour faire revenir à la vie ce qui est mort. La miséricorde se donne, prend l’initiative, il faut alors que nous la désirions.

 

En réalité l’Esprit est déjà en nous et le chemin se découvre et se développe en marchant pas à pas et non seulement dans le raisonnement et parfois une simple brèche peut être le point de départ.

 

 

 

ü  Rester fidèle : persévérance et constance L’acceptation de ses limites est une conversion très profonde, un passage essentiel. Pour maintenir le cap du changement et de la conversion radical, il faut une forte disposition intérieure et permanente à persévérer dans l’exercice de la pénitence, de la repentance ; nos blessures parfois guérissent seulement à l’extérieur. La miséricorde a besoin de pénétrer chaque fibre de notre personne et cela est un processus, une action progressive et chaque fois renouvelée. La décision de ne plus commettre à l’avenir  ce que j’ai reconnu comme étant injuste.

 

Ainsi Emilie ne désire qu’une chose  être fidèle à Dieu P17 : que Dieu règne en elle, agisse en elle, elle ne veut pas offenser par ses attitudes ce Dieu vers lequel elle se sent portée. Toute sa vie est marquée par le désir de correspondre à ce que Dieu veut dans la recherche inlassable de l’accomplissement de sa  volonté et le désir de travailler pour sa gloire et le salut des âmes. « Se laisser conduire en toutes choses que par votre divin esprit » P83. Elle ne veut pas mettre un frein à ses desseins d’amour ni se laisser corrompre par le péché.

 

Le pape nous dit dans sa Bulle que « Pour la (la corruption) vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilange, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence …[8] »

 

 

 

 

 

3.     Les fruits d’une vraie rencontre entre la Miséricorde et l’homme

 

« Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ » (Eph.2, 4-5) Une re-génération dans le Christ pour tout notre être : corps, âme et esprit. Nous devenons une nouvelle créature ré-établie dans la relation d’alliance, d’épousaille, d’Amitié avec le Christ. Ce type de relation ne peut s’établir sans la liberté des deux parties.

 

 

 

a.     Un désir d’union à Dieu et une vie intérieure solide qui se nourrit de tous les moyens : Désir de ne pas vivre à la périphérie de nous même, coupés de notre source ; désir de nous laisser irriguer par la miséricorde, de nous laisser habiter par elle. « A partir de ses 15 ans Emilie s’occupe non seulement de diriger la maison, mais elle s’adonne aussi à des œuvres de charité. Elle va souvent à Toulouse tenir compagnie à sa grand-mère et s’entretenir avec son directeur spirituel… c’est à cette époque qu’elle semble changer d’attitude : si elle se faisait remarquer par une morale exigeante, elle adopte une conduite plus profondément spirituelle qui la mènera à se centrer sur Dieu Seul et l’accomplissement de sa volonté … Elle n’agit pas sans avoir au préalable, pris l’avis de personnes spirituelles, que qui démontre, une fois de plus, son seul désir : plaire au Seigneur et non se satisfaire elle-même .…[9] » Emilie veut être imprégnée de l'Evangile pour connaître et mieux imiter le Christ (DS 14). Dans son oraison, elle développe une grande capacité d’écoute du cœur de Jésus. La prière est pour elle : « écoute de la voix de Dieu, profiter des lumières qu’il communique par son Esprit. Ce doit être comme elle dit une écoute profonde et silencieuse NP29. C’est là qu’elle vient demander conseil, consulter (NP-22, 29). C’est dans cette intimité qu’elle fait non seulement l’expérience de la miséricorde de Dieu à son égard ; mais aussi qu’elle médite la vie du Christ pour le connaître de façon intime : ses sentiments, ses attitudes et mieux le suivre.

 

 

 

b.     Une vie unifiée autour du Christ : C’est l’union à Dieu dans la prière qui se prolonge dans la vie quotidienne. Emilie avait une vie unifiée, elle ne rencontrait pas seulement Dieu à la chapelle ou au moment de sa méditation, mais tout ce qu’elle est et fait (CIS-65, 66, 67) c’est dans l’entière union à Dieu Seul, Dieu de bonté et d'amour.. Elle veut rester vigilante pour que rien ne dérobe à Dieu aucune de ses affections : « Dieu Seul » en toute chose ! Dieu est au centre de sa vie c'est lui qui oriente sa vie et lui fait connaître sa volonté9. Elle n'avait qu'un seul but : "ne vivre et ne respirer que pour sa gloire, ou mourir"10. " Ne chercher que Dieu Seul, ne travailler que pour sa gloire" 11. Elle dit « Je prétends que tous les battements de mon cœur, tant la nuit que le jour, que tous les mouvements de tous mes membres, soient encore des actes de votre très pur amour … » (positio p.126). Pour arriver à cette unité dans sa vie elle prend les moyens adéquats : relecture de vie, accompagnement, la pratique du silence, de la confession régulière, l’Eucharistie, le renouvellement de ses engagements… On retrouve chez Emilie une familiarité avec la volonté de Dieu (16 NP4,63).

 

 

 

c.      Une capacité à rendre grâce : L’action de grâce est le signe que l’on a fait personnellement l’expérience de la miséricorde de Dieu. Dans sa vie Emilie ressent une profonde reconnaissance et sa plus grande inquiétude elle l'exprime ainsi : "comment faire pour rendre à mon Dieu ce que je lui dois....devenir telle qu'Il a le droit de l'attendre de moi". La louange trouve une grande place dans sa prière, surtout quand elle s’adresse au divin cœur de Jésus NP14. Cette louange est très liée à la reconnaissance pour le salut que Dieu lui apporte. Sa foi et sa très grande confiance dans le Dieu « amoureuse Providence » fait que cette louange et action de grâce sont projetées dans le futur par anticipation.

 

 

 

d.     Une habilité à vivre l’humilité dans l'abandon et la confiance (cf. NP78, 79, 80, P10). Devant l’expérience de l’amour qu’elle fait de la Miséricorde,  au bout du chemin d’Emilie jaillit de son cœur ce cri, cette réponse : « Abandon confiance c’est tout pour moi ! » P12. c’est une phrase célèbre pour nous et qui nous inspire aujourd’hui encore.  C’est son chemin de rencontre, d’abandon à la grâce, de conversion, de résurrection. Le découvrir lui a procuré une très grande paix. En effet, durant sa vie, Emilie a connu des moments de peurs et de fortes tentations, mais elle avait toujours recours à Dieu qu'elle voyait à travers le prochain et à travers les événements. Dieu était pour elle un conseiller et un confident, attentif à tout ce qu'elle vit. Elle dit : « je me nourrirai toujours de la sainte volonté de Dieu, la trouvant partout, dans la santé comme dans la souffrance, dans le repos comme dans le travail, … ne voulant savoir ni comprendre que le sens de ce mot : volonté de Dieu, abandon, pur amour, Dieu seul, Dieu seul » (Positio p.128) 

 

 

 

« La lucidité qu’elle a sur elle-même et sur la volonté de Dieu fera qu’elle se démet de la charge de supérieure générale, pour son bien et celui de la congrégation …. En toute simplicité et sans rien perdre de sa place de sa responsabilité de fondatrice, elle sut se tenir à sa place et obéir, ne mettant aucun obstacle au gouvernement de son successeur …[10] »

 

 

 

e.     Une capacité à produire les fruits de l’esprit et à accomplir de bonnes actions

 

ü  Vécu des vertus de charité, humilité, simplicité, disponibilité : Accepter peines et souffrances car c’est de la qualité de l’accueil que dépend la qualité de notre amour pour Dieu

 

ü  Travail sur soi : Bannir l’empressement et le trouble, droiture d’intention (tout faire par pur amour), Recherche permanente d’une plus grande sainteté

 

ü  Imitation de la sainteté du Christ : Exclusivité de la gloire de Dieu et du salut des âmes

 

ü  Abandon à Dieu : rester dans la confiance en Dieu ; Se soumettre en toute chose à la volonté de Dieu, Esprit de foi (dans les évènements et les personnes qui sont des médiations)

 

 

 

III.            Dynamique d’intériorisation

 

1ère partie

 

·       Qu’est ce qui résonne en moi en ce moment de tout ce que j’ai entendu ?

 

·       Ai-je déjà fait dans ma vie l’expérience de la miséricorde de Dieu. Ai-je déjà fait dans ma vie l’expérience que sa puissance réside dans sa miséricorde, sa tendresse, son amour, sa compassion, son indulgence, sa patience ?

 

·       Comment te sens-tu en ce moment ?

 

·       Partage avec une personne du groupe ce que tu ressens maintenant

 

 

 

2ème partie

 

·       Lis le Psaume 139 (138) laissant Dieu être le protagoniste, celui qui vient vers toi. Demande au Seigneur la grâce de comprendre quelle est la profondeur, la largeur, de son amour pour moi, de son désir, de sa recherche. Passe un bon moment à t'ouvrir à cette présence : c'est Dieu qui te cherche et qui te désire; Dieu est une source étrange, elle va au-devant de Celui qui est assoiffé… Ouvre-toi à l'étonnement en reconnaissant être objet du désir de Dieu. Souviens-toi, avec Lui, de "l'histoire de sa recherche de toi", de tant de manières mystérieuses et cachées que toi seule connais.

 

·       Rappelle toi l’invitation de Jean Baptiste dans Lc. 3, 3-6 et fait le tracé de ton chemin. Donne un nom à tes ravins à combler, aux montagnes ou collines, aux chemins raboteux, aux passages tortueux… »

 

·       Dépose dans le coin prière une intention de prière

 

 

 



[1] Pape François, Encyclique  « Laudato si », n°3

[2] Pape François, Angélus du  17 mars 2013

[3] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, 1,2, q.113, a.9.

[4] Rm.1, 18

[5] Carlo Caffara, Cardinal émérite de Boulogne, « Miséricorde et conversion », in Le mariage et la famille dans l’Eglise Catholique, p.30

[6] Xavier Thévenot, Les péchés, que peut-on en dire ? Mulhouse, Salvator, 1983, p.29-31

[7] Pacot Simone, L’évangélisation des profondeurs, Paris, 2003, p.47-51

[8] Pape François, Encyclique  « Le visage de la miséricorde », n°19

[9] Les théologiens se prononcent, le Décret ratifie l’héroïcité des vertus de Jeanne Emilie de Villeneuve

[10] Les théologiens se prononcent, le Décret ratifie l’héroïcité des vertus de Jeanne Emilie de Villeneuve, 6ème rapport

 

Partie III Vivre au diapason de la miséricorde

III.  VIVRE AU DIAPASON DE CETTE MISERICORDE

 

 

1.      Le Christ est d’une part, modèle de l’amour miséricordieux envers les autres et d’autre part, Il proclame par ses actes l’appel à la miséricorde

 

qui est plus qu’un commandement ou une exigence éthique de l’Evangile : Le Christ donne lui-même son cahier de charge, son programme, sa mission : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, proclamer une année du Seigneur » Lc.4, 18-19 Cette déclaration est suivie de faits et de paroles pour que le Père soit présent parmi les hommes pauvres, qui n’ont pas de moyens de subsistance, ceux qui sont privés de la liberté, les aveugles qui ne voient pas la beauté de la création, ceux qui vivent dans l’affliction du cœur ou qui souffrent à cause de l’injustice sociale et enfin les pécheurs. Il est important de noter que le signe que Jésus donne aux gens pour attester qu’il est celui qui doit venir soit « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » notons aussi que  Jésus associe « voir et entendre »

 

Manifester le Père comme amour et miséricorde est la vérité fondamentale de sa mission de Messie ; c’est tout le thème de sa prédication. La mission de Jésus de révéler le visage de miséricordieux du Père traverse toute sa vie et constitue un style de vie (pensée, parole, action…) qui nous dit comment l’amour est présent et actif dans le monde ou nous vivons et embrasse tout ce qui forme son humanité. C’est un amour qui se manifeste surtout au contact de la souffrance de l’injustice, de la pauvreté, toute la « condition humaine » qui manifeste de diverses manières le caractère limité et fragile de l’homme, aussi bien physiquement que moralement. Cette miséricorde à diverses facettes : voir Luc, l’évangéliste de la miséricorde.

 

Pour nous réconcilier avec son Père, Jésus a, dans une première démarche, reçu le baptême de Jean. Il a pris sur lui, en se plongeant dans l’eau du Jourdain, toutes les saletés morales que les hommes y avaient déversées.

 

 

 

2.      Témoigner de la Miséricorde c’est la crédibilité de l’Eglise dans son action pastorale :

 

« Dans l’annonce et le témoignage, rien ne doit être privé de miséricorde il en va de la crédibilité de l’Eglise ». (10) « aujourd’hui, l’Epouse du Christ, l’Eglise, préfère recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité… » (Jn XXIII) (4) remède versus arme. Entrer dans la dynamique de la miséricorde c’est changer fondamentalement d’attitude. Le Pape François parle aussi de « soigner ces blessures, à les soulager avec l’huile de la consoltation, à les panser avec la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’attention ».

 

 « La mission de l’Eglise est d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Evangile … adopter l’attitude du Fils de Dieu qui va à la rencontre de tous, sans exclure personne… son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au père … L’Eglise se fait servante et médiatrice de cet amour qui va jusqu’au pardon et au don de soi. En conséquence, là où l’Eglise est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste. Dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde ». (Extrait de la bulle Misericoriae Vultus d’indiction de l’année jubilaire (12)

 

« L’Eglise vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la Miséricorde, attribut le plus admirable du Sauveur, dont elle est la dépositaire et la dispensatrice ». (11) Il est vrai qu’aujourd’hui, la situation actuelle de l’Eglise et du monde, bien des hommes et bien des milieux, guidés par un sens aigu de la foi, s’adressent quasi spontanément à la miséricorde de Dieu. Mais cela semble insuffisant car si l’Eglise est le dépositaire, l’héritier de la miséricorde de Dieu, elle doit aujourd’hui,  comme le peuple d’Israël, avoir dans le cœur cette conviction qu’elle chemine avec ce même Dieu riche en miséricorde et désireux de conduire tous les hommes, individuellement et en communauté à la liberté des fils de Dieu. Il y a donc pour l’Eglise un défi à provoquer dans ce monde un sursaut : celui de la tendresse. Nous sommes comme dans une impasse et ce monde grelotte de froid et de peur sans la chaleur de la miséricorde.

 

 

 

3.       « Etre miséricordieux comme le Père » :

 

ü  Un but à atteindre, Vivre au diapason de cette miséricorde : « La misécorde est notre idéal de vie et le critère de crédibilité de notre foi « Heureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde Mt 5,7» (9) « Le pape François affirme que la miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie ». (2)  C’est une condition essentielle, une loi fondamentale d’importance capitale pour que Dieu puisse se révéler dans sa miséricorde envers l’homme. « L’amour miséricordieux des chrétiens doit être sur la même longueur d’onde… que celui du père » (9) vivre la miséricorde à l’image du Père cela « … demande engagement et sacrifice, c’est un chemin à parcourir jusqu’au but désiré … en nous laissant (nous même) embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous … » (14)

 

 

 

ü  Un style de vie : « Pour être capable de miséricorde, il nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie ». (13)

 

 

 

Il y a une dynamique particulière à Dieu dans sa démarche de miséricorde envers l’homme :

 

·        L’expérience personnelle de la miséricorde nous prépare à assumer notre vocation particulière qui est mission. Une mission qui, à la racine s’appuie sur ce que le pape appelle « la dynamique de la foi chrétienne ». C’est cette mission qu’il faut percevoir dans ces paroles de Dieu : « J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J’ai entendu son cri devant les oppresseurs ; oui je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel, … ». (Ex.3, 7-8) Cette succession d’action nous montre qu’il ne suffit pas d’entendre le mot « miséricorde » pour susciter en nous un geste d’amour jaillissant du fond de notre être. La miséricorde n’est pas un acte d’intelligence, mais un mouvement du cœur qui suppose une démarche précise : c’est un exode, une sortie de soi. La vocation est une sortie de soi. Nous avons plein d’exemples : l’appel d’Abraham, de la Vierge… Mais le premier exemple de sortie de soi est Dieu lui même : « Dieu sort de lui même dans une dynamique trinitaire d’amour » et vis à vis de son peuple cela se traduit par cette phrase : « Dieu écoute la misère de son peuple et intervient pour le libérer » : ne pas détourner les yeux, tendre l’oreille, se laisser toucher, ressentir... La miséricorde est un total engagement de soi, un encouragement dans l’amour, une communion dans l’Esprit, un élan d’affection (Ph 2, 1)

 

 

 

·        La miséricorde me provoque à regarder de façon inclusive : Lorsque nous portons un regard stigmatisant sur une autre personne c’est comme si on veut l’obliger à changer, à être comme nous. Il ne s’agit pas d’un regard de miséricorde, mais d’un mépris, d’un rejet et d’une séparation, d’une exclusion. La qualité du regard que nous posons sur une personne est le premier acte par lequel la miséricorde nous entraîne à recevoir et à partager le mal-être de quelqu’un..– Tel fut le regard de Jésus vers la Samaritaine allant puiser de l’eau au puits, y venant seule car sa conduite la mettait à l’écart des autres femmes. – Tel fut le regard de Jésus vers cette femme à la réputation sulfureuse venue, lors d’un repas chez Simon le lépreux, verser sur sa tête un parfum de grand prix. – Tel fut le regard de Jésus vers cette femme de Jérusalem, qu’au nom de la Torah les juifs voulaient lapider afin, peut être, de ne pas succomber eux-aussi à ses charmes. – Tel fut le regard de Jésus sur Zaché, ce percepteur corrompu de Jéricho qui, compte tenu de sa petite taille et de ses actes coercitifs, ne pouvait se mêler à la foule. – Tel fut le regard de Jésus sur Simon-Pierre, après que celui-ci l’ait renié trois fois. – Tel a été le regard de Jésus sur les deux bandits crucifiés à ses côtés, regard qui suscita chez l’un d’eux la compassion pour son voisin de gibet. – Tel est le regard que Jésus porte sur chacun de nous, car son cœur n’exclut aucune de ses créatures. – Tel est le regard que, dans le « Salve Regina », nous demandons à la Vierge Marie d’avoir pour chacun de nous : « illos tuos misericordes occulos ad nos converte » (Tourne vers nous tes yeux miséricordieux). Le regard de l’autre est essentiel pour nous témoigner que nous sommes aimables, que nous sommes enfants d’un Dieu qui veut la vie en nous. « Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide… »

 

 

 

·        La miséricorde me provoque à l’écoute de la vérité de l’autre : nous nous arrêtons souvent à ce qui est superficiel et nous portons un jugement à partir du superficiel …. Que de mal les paroles ne font-elles pas lorsqu’elles sont animées par des préjugés, des sentiments de jalousie ou d’envie ! Des « on dit » : mal parler du frère en son absence, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux ragots, c’est lui ôter la vie. Cependant, le Père regarde le secret des cœurs et Jésus nous dit : « Ne jugez pas, ne condamnez pas,… » Lc. Sommé d’intervenir contre une femme accusée d’adultère, Jésus a mis en avant un argument qui, puisqu’il ne jeta pas de pierre, laissait supposer qu’il était lui-aussi pécheur.

 

Si telle ou telle personne vit une situation anormale, cette situation a pour origine la souffrance et la détresse qui sont en elle. Comment pourrait-il y avoir de miséricorde si je n’accepte pas de rencontrer la blessure de mon frère, comme une véritable plaie me blessant à mon tour. Il ne peut y avoir de miséricorde sans reconnaissance de ce réel qui fait souffrir tous les hommes.

 

Cette reconnaissance du réel est nécessaire pour vivre l’attitude juste qui va permettre à celui qui était marginalisé de trouver, peu à peu, une place dans la société des hommes. Une place où il peut apporter sa part, aussi modeste soit-elle, quelles que soient ses blessures.

 

Ne pas juger et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne pas permettre qu’elle ait à souffrir de notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir ou à être meilleur mais plutôt à  nous interroger : Est-ce que ce qui blesse mon frère ne m’habite pas, moi aussi ? Où en suis-je ? Ainsi seulement, avec l’aide de Dieu, notre poutre nous laissera voir clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de notre frère. Cependant on peut écouter et en rester là

 

 

 

·        la miséricorde me provoque à descendre dans la réalité  pour la connaître et l’embrasser : me laisser toucher, avoir des entrailles de miséricorde : La miséricorde nous provoque à cette question : Comment participons-nous réellement à la vie des hommes et des femmes de notre temps ? «Ne tombons pas dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté, dans le cynisme destructeur … réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les estinataires privilégiés de la miséricorde divine …. Ouvrir le cœur à la réalité des périphéries … que le monde moderne à souvent créées de façon dramatique … situations de précarité et de souffrance … blessures … indifférence des peuples riches … qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. …». Dans cette descente je ne peux remonter qu’avec les autres. Faire mien leur cri et «  ensemble, nous puissions briser la barrière qui règne en souveriane pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme … »

 

 

 

·        La miséricorde nous provoque à remonter ensemble avec d’autres en nous engageant dans des œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles : La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Ainsi la miséricorde peut-elle être à la fois un bienfait apporté au corps, un apaisement de l’esprit, et une guérison de l’âme.

 

Les œuvres de miséricorde corporelles : La miséricorde est la qualité généreuse du cœur : partager son pain, donner à boire à ceux qui ont soif vêtir qui est nu, accueillir l’autre, l’étranger, visiter les malades ou les prisonniers. Ces œuvres nous épargneront le Jugement ; alors nous serons placés à la droite du Seigneur (Mt 25, 31-46).

 

Les œuvres de miséricordes spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les affenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts … c’est dans chacun de ces « plus petits » que le Christ est présent. Sa chair devient de nouveau visible en tant que corps torturé, bléssé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin. n’oublions pas les paroles de Saint Jean de la Croix : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour ». (15)

 

-        Cette mission doit être réalisée ensemble : il n’y a pas d’un côté les forts et de l’autre les faibles, les bien portants et les malades, les équilibrés et les déséquilibrés, les normaux et les pathologiques, … nous avons tous besoin les uns des autres.

 

-        N’oublions pas ceux qui, pour des raisons diverses, vivent dans l’inquiétude de leur cheminement spirituel. Inquiétude compréhensible quand ils découvrent que leur comportement tombe sous le coup d’une certaine interprétation de la vie chrétienne, ou sous le coup d’une loi ecclésiastique… un dominicain disait : « Parfois, il m’arrivera qu’une véritable attitude de miséricorde me fasse reconnaître la douleur mortifère d’un frère au point même de lui conseiller ce qui serait considéré, selon les critères habituels, comme une transgression de la loi commune… »

 

Cette exode exige de moi de pardonner et de donner, d’être instruments du pardon puisque nous l’avons reçu de Dieu, d’être généreux à l’égard de tous en sachant que Dieu étend aussi sa bonté pour nous avec grande magnanimit (…) bien souvent il nous semble difficile de pardonner ! cependant ,le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance est la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’apôtre « que le soleil ne se couche pas sur votre colère Ep 4,26». (9) « L’Eglise vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde elle doit montrer et vivre le chemin de la miséricorde, la justice n’en est que le premier pas. Sans le pardon : vie inféconde, stérile, désert (…) le pardon est joie, force et donne courage et espérance ». (10)

 

 

 

·        Miséricorde et discernement par le frère Emmanuel Dollé, o.p.

 

Celle de Dieu ne nous appartient pas et nous l’imaginons totale et infiniment aimante. Mais la nôtre ? Celle des frères ? La miséricorde est ce cœur sensible et ouvert à comprendre la vérité de l’autre (ses potentialités, ses grandeurs, ses faiblesses). 

 

Mais la miséricorde parfois peut être employée comme un refus de décider. Je laisse faire au nom de la miséricorde, en nous donnant bonne conscience : Suis-je là pour peser ses qualités, porter un jugement qui deviendra définitif ? Que sais-je de sa relation à Dieu ?

 

ou comme une fuite en avant : je vote oui aujourd’hui pour ce frère, pourtant difficile à vivre, et la miséricorde comblera demain ?

 

Elle pourrait même devenir lâcheté : je n’ai ni l’audace ni le courage de dire, de me prononcer et je me réfugie derrière elle. Elle n’est pas une tolérance qui ferme les yeux,

 

La miséricorde est tendresse, mais lucide. La miséricorde demande un discernement généreux. J’aime la personne je dois l’aimer pour qu’il s’épanouisse mais aussi l’aimer assez pour lui dire simplement que je pense que son bonheur est ailleurs. Notre miséricorde doit être la nécessité humble d’aimer totalement l’autre pour tenter de trouver ce qui lui apportera le plus de chances d’être heureux, de s’épanouir, de rendre service … car l’annonce du Christ, pour difficile qu’elle soit, ne doit pas évacuer la question du bonheur. La miséricorde est la responsabilité clairvoyante de discerner le plan de Dieu dans la demande de l’autre. Elle est cet amour de l’autre qui ouvre mon cœur à sa quête de bonheur. Elle met en œuvre un courage exigeant et charitable. En d’autres occasions, la miséricorde doit être amour qui pardonne, qui remet une dette mais elle est aussi un amour qui fait crédit, elle confie des talents à faire fructifier ici ou ailleurs pour qu’ils portent le fruit de la gloire de Dieu ? 

 

Conclusion

CONCLUSION

 

 

 

La miséricorde n’est pas ou n’est pas seulement pitié qui frise la sensiblerie, condescendance qui peut être remplie de mépris et d’insulte. L’amour est la clé pour comprendre la réalité que recouvre la miséricorde : Vivre la misère de l’autre comme si elle était sienne uniquement parce qu’on l’aime : Dieu seul peut avoir cette miséricorde. Dieu peut être miséricorde parce que seul il n’est jamais encombré de lui-même, parce que seul il connait et aime de façon absolument pure. Touchés jour après jour par sa compassion, nous pouvons nous aussi devenir compatisants envers tous.

 

 

 

·        En  fondant notre famille religieuse, Emilie désirait que chaque sœur soit entièrement consacrée au Christ en vue d'une mission, le salut des âmes à travers les œuvres de miséricorde. Emilie, de manière radicale, a suivi le Christ en cherchant à accomplir sa volonté, prenant les moyens nécessaires pour correspondre aux grâces du Seigneur. Emilie avait compris que vivre de la vie de Jésus Sauveur était une manière de glorifier Dieu, le laisser régner dans nos cœurs. Son expérience de Dieu, Amour, Bonté, Providence, Miséricorde a été pour elle un trésor de grâces et c'est ce trésor qu'elle a proposé à toutes ses sœurs, à travers ses écrits et par le témoignage de sa vie.

 

La mission aujourd’hui pour toutes les personnes qui veulent l’imiter c’est

 

·        S’incarner dans la réalité des pauvres : Adopter les attitudes de Jésus-Sauveur dans la mission

 

·        Recréer chez les pauvres le visage du Christ.

 

·        Etre de plus en plus attentives aux problèmes sociaux du monde pour y être présentes surtout dans la collaboration avec l'autre. Itinérance de Congrégation.

 

 

 

L’Eglise est appelée à imiter son Dieu. Ainsi elle « est en sortie, sans être préoccupée d’elle même, de ses structures et de ses conquêtes ». La sortie c’est être capable d’aller vers les hommes et de les rencontrer dans leur situation réelle et de compatir à leurs blessures.
Ainsi « la vocation est toujours cette action de Dieu qui nous fait sortir de notre situation initiale, nous libère de toute forme d’esclavage, nous arrache à nos habitudes et à l’indifférence et nous projette vers la joie de la communion avec Dieu et avec les frères. »

 

 

 

C‘est le moment favorable Voici le moment favorable pour changer de vie ! « une année de bienfaits accordée par le Seigneur » (Is.61, 1-2) voici le temps de se laisser toucher au cœur. … voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même … Dieu ne se lasse pas de tendre la main, il est toujours prêt à écouter (19) Dans la miséricorde, Dieu se donne tout entier, pour toujours, gratuitement et sans rien demander en retour.

 

 

 

Les lieux provilégiés pour sentir cette miséricorde : La reconnaissance de notre propre condition de pécheur, de nos actes qui ne sont pas justes : c’est le repentir qui s’exprime dans la confession.

 

l’importance du sacrement de la réconciliation « Avec conviction, remettons au centre le sacrement de réconciliation, puisqu’il donne à toucher de nos mains la grandeur de la miséricorde. Pour chaque pénitent, ce sera une source d’une véritable paix intérieure. Il est un soutien sur le chemin… » Dans notre vie de foi, c'est au travers du sacrement de réconciliation en particulier que nous percevons la miséricorde de Dieu.

 

Plus largement dans la prière et les différents sacrements dans lesquels est communiqué le don de Dieu. Le pardon de Dieu nous remplit de joie et d'allégresse, nous redonne la paix. Mais ce n'est pas tout. Dieu nous manifeste aussi son attachement, sa miséricorde, au travers de personnes,  d'événements concrets, de rencontres,  qu'il faut savoir relire dans sa vie.

 

 

 

Il faut faire cette expérience de façon communautaire : se mettre ensemble, parler, s’épauler, inventer, innover, agir ensemble. Ainsi la miséricorde pourrait devenir source d’invention. Qui mieux que l’Esprit à cette capacité de créer et de renouveler le monde ? Nous ne sommes que des apprentis de la miséricorde… mais demandons nous : dans nos lieux de vie, quelles œuvres la miséricorde peut-elle innover, inventer, créer… à partir de ce que nous voyons, entendons…?

 

 

 

La grande promesse derrière tout cela : Is. 58, 8-12 … (17)

 

 

 

 

 

Prions avec le Pape (…) Que l’Esprit Saint qui guide les pas de croyants pour coopérer à l’œuvre du salut apporté par le Christ, conduise et soutienne le Peuple de Dieu pour l’aider à contempler le visage de la miséricorde (4) « Nous confions la vie de l’Eglise, l’humanité entière et tout le cosmos à la Seigneurie du Christ, pour qu’il répande sa miséricorde telle la rosée du matin, pour une histoire féconde à construire moyennant l’engagement de tous au service de notre proche avenir. Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu ! Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume e la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous. (5) « Eternel est son amour » psaume de la miséricorde (7)

 

 

 

Danse de la lumière